TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE FONTAINEBLEAU
MINUTE NE 25/18
DU : 04 Septembre 2025
AFFAIRE : N° RG 23/01475 – N° Portalis DB2X-W-B7H-C2DP
Jugement Rendu le 04 Septembre 2025
AFFAIRE :
Ludovic, François, Laurent BOUCHER
Christiane, Marie-Thérèse ROBIN veuve BOUCHER
C/
Régis Jean François Michel Alain BOUCHER
Hervé André Robert Jean, François BOUCHER
Le quatre Septembre deux mil vingt cinq
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE FONTAINEBLEAU a rendu le jugement
suivant prononcé par Caroline GEAY, Vice-présidente, statuant à Juge Unique en
application de l’article 801 du Code de Procédure Civile, après que la cause a été débattue
en audience publique du 04 Décembre 2024,
ASSISTÉE DE Christine ROCHEFORT, Greffier,
ENTRE :
Monsieur Ludovic, François, Laurent BOUCHER
100 chemin du Collet Blanc Bâtiment A 6 Appt 203 Le Domaine des Cyprès 13190
ALLAUCH
Madame Christiane, Marie-Thérèse ROBIN veuve BOUCHER
39 bis rue de Montberneaune 45300 YEVRE LA VILLE
DEMANDEURS
Représentés par Maître Anne-christine BARATEIG de la SELEURL B&B AVOCAT,
avocats au barreau de FONTAINEBLEAU, avocat postulant et par Maître Virginie
GOMEZ, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
ET :
Monsieur Régis Jean François Michel Alain BOUCHER
793 chemin des Bois Routs 83720 TRANS EN PROVENCE
DÉFENDEUR
Représenté par Maître IsabelleDEBOURBON-BUSSET DE BOISANGER de la SELARL
BOURBON- BUSSET – BOISANGER, avocats au barreau de FONTAINEBLEAU, avocat
postulant et par Maître Virginie JAVAUX, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant
Monsieur Hervé André Robert Jean, François BOUCHER
11 rue Mespras 44130 BLAIN
DÉFENDEUR
Représenté par Maître Lilas MONCEL, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, avocat
postulant et par Maître Elodie MULON de la SELARL CM&A-CHAUVEAU MULON &
ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant
FAITS ET PROCÉDURE
Madame Germaine Odette GRANDVILLIERS, née le 23 juillet 1923 à Paris 4°, est
décédée le 5 août 2019 à Yèvre-la-Ville.
Elle a laissé pour lui succéder :
– son fils Monsieur Michel Marcel BOUCHER, né le 27 juin 1944 à COURLON-SURYONNE,
– ses trois petits fils, issus de l’union de Monsieur Michel BOUCHER et Madame
Christiane ROBIN :
* Monsieur Hervé André Robert BOUCHER, né le 6 août 1968 à
FONTAINEBLEAU,
* Monsieur Régis Jean-François Alain BOUCHER, né le 3 juin 1971 à
FONTAINEBLEAU,
* Monsieur Ludovic François Laurent BOUCHER, né le 12 mai 1978 à EVRY,
Par testament olographe du 2 avril 2018, Madame Germaine GRANDVILLIERS a institué
ses trois petits-fils légataires de la quotité disponible à parts égales.
Monsieur Michel BOUCHER est décédé le 15 mars 2022.
Par exploits d’huissier en date des 22 et 26 juin 2023, Monsieur Ludovic BOUCHER et
Madame Christine ROBIN veuve BOUCHER ont assigné devant le Juge aux affaires
familiales du Tribunal judiciaire de Fontainebleau Monsieur Hervé BOUCHER et
Monsieur Régis BOUCHER aux fins d’ouverture judiciaire des opérations de compte,
liquidation et partage de la succession de Madame Germaine GRANDVILLIERS.
Le Juge aux affaires familiales de Fontainebleau s’est dessaisi au profit de la chambre civile
du Tribunal judiciaire conformément aux dispositions de l’article 82-1 du Code de
procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 mai 2024, Monsieur
Ludovic BOUCHER et Madame Christine ROBIN veuve BOUCHER demandent au
tribunal de :
– ORDONNER l’ouverture judiciaire des opérations de comptes, liquidation et
partage des biens dépendant de la succession de feue Madame Germaine
GRANDVILLIERS.
– JUGER que Monsieur Ludovic BOUCHER n’a occupé le bien immobilier au 52 rue
Fécamp 75012 PARIS que du 1er avril 2019 au 1er septembre 2020 soit durant 17
mois.
– JUGER Monsieur Ludovic BOUCHER n’est redevable envers l’indivision
successorale que d’une créance limitée à 17 mois (du 1er avril 2019 au 1er septembre
2020) correspondant à une occupation du bien immobilier situé au 52 rue Fécamp à
75012 PARIS.
– JUGER que cette créance ne saurait dépasser la somme de 6.596 €.
– JUGER en tout état de cause que l’indemnité d’occupation réclamée par Monsieur
Hervé BOUCHER est soumise à la prescription quinquennale de l’article 815-10 du
Code Civil.
– JUGER qu’en conséquence il ne peut réclamer une indemnité d’occupation que sur
60 mois.
– JUGER que Monsieur Ludovic BOUCHER n’a commis aucun recel successoral.
-DESIGNER Maître Béatrice RESNEAU-LAMBERT, Notaire à PITHIVIERS, pour
procéder aux opérations de liquidation de la succession de Madame Germaine
GRANDVILLIERS.
– DEBOUTER Monsieur Hervé BOUCHER de l’ensemble de ses demandes fins et
conclusions.
– CONDAMNER Monsieur Hervé BOUCHER à payer à Monsieur Ludovic
BOUCHER et à Madame Christiane ROBIN veuve BOUCHER la somme de 10.000
€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
– JUGER que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation
et partage.
– DIRE N’Y AVOIR LIEU A ECARTER l’exécution provisoire de la décision à
intervenir.
– CONDAMNER Monsieur Hervé BOUCHER au paiement d’une somme de 4.000
€ sur le fondement de l’article 700 du C.P.C.
A l’appui de leurs demandes, ils exposent qu’aucun partage amiable n’a pu intervenir entre
les héritiers malgré les échanges de courriers entre avocats. Monsieur Ludovic BOUCHER
conteste être redevable d’une somme de 97.440 € à l’indivision au titre de l’occupation
d’un appartement situé 52 rue de Fécamp à PARIS, soutenant n’avoir occupé l’appartement
que du 1er avril 2019 au 30 août 2020, les lieux ayant précédemment été loués par son
compagnon, Kévin MARCHAL. Il indique que le montant du loyer ne saurait excéder la
somme de 388 € par mois, conformément à la dernière attestation de valeur locative du 2
octobre 2018, et qu’il ne saurait en tout état de cause lui être demandé des loyers sur une
période supérieure à 5 ans, en application des dispositions de l’article 815-10 du Code civil.
Il conteste par ailleurs tout recel successoral, et s’oppose à la demande de dommagesintérêts pour préjudice moral au bénéfice de Monsieur Hervé BOUCHER, affirmant que
la situation est bloquée par la faute de ce dernier. Monsieur Ludovic BOUCHER et
Madame Christine ROBIN veuve BOUCHER sollicitent en conséquence la condamnation
de Monsieur Hervé BOUCHER à les indemniser de leur préjudice moral.
Par conclusions en date du 16 octobre 2023, Monsieur Régis BOUCHER s’en rapporte à
la justice et demande que l’exécution provisoire ne soit pas écartée, indiquant ne pas
souhaiter prendre position dans le conflit opposant ses frères.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 juin 2024, Monsieur
Hervé BOUCHER demande au tribunal de :
– DEBOUTER Madame Christiane ROBINetMonsieurLudovicBOUCHERde leurs
demandes plus amples et contraires.
In limine litis
– DECLARER irrecevable la fin de non-recevoir tenant à la prescription soulevée par
Madame Christiane ROBIN et Monsieur Ludovic BOUCHER ;
Sur le fond
– CONDAMNER Monsieur Ludovic BOUCHER à rapporter à la succession de la
dette de 97.440 €, en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5
août 2019, date d’ouverture de la succession de Madame Germaine
GRANDVILLIERS, au titre de l’occupation de l’appartement situé 52, rue de
Fécamp à Paris (75012) du 10 décembre 2010 au 1 er septembre 2020 ;
A titre principal sur le recel successoral
– PRIVER Monsieur Ludovic BOUCHER de tous droits sur la dette de 97.440 € en
principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019.
– ORDONNER la répartition à parts égales entre les autres copartageants, Messieurs
Hervé et Régis BOUCHER des fonds correspondant à la dette dissimulée d’un
montant 97.440 € en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5
août 2019.
Avant dire-droit, dans l’hypothèse où le Juge de céans ne se considérerait pas
suffisamment éclairé :
– ORDONNER AVANT-DIRE DROIT, la vérification d’écriture et de signature du
contrat de bail du 21 décembre 2013 et des quittances de loyers ;
– FAIRE INJONCTION à Monsieur Ludovic BOUCHER de remettre les documents
originaux du contrat de bail du 21 décembre 2013 et des quittances de loyers
contenant la signature de la défunte ;
– COMMETTRE pour procéder à la vérification d’écriture et de signature un
technicien expert près les tribunaux,
– ORDONNER le partage des frais d’expertise par moitié entre les parties,
A titre subsidiaire sur le rapport de la dette en moins-prenant,
– ORDONNER que le rapport des fonds correspondant à la dette due à la succession
d’un montant 97.440 € en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter
du 5 août 2019, se fasse en moins prenant sur les droits de Monsieur Ludovic
BOUCHER.
Sur la donation consentie par Madame Germaine GRANDVILLIERS à Monsieur
Michel BOUCHER :
– PRONONCER la nullité de la donation de la maison sise à Yèvre-la-Ville consentie
par Madame Germaine GRANDVILLIERS au bénéfice de Monsieur Michel
BOUCHER, qui sera en conséquence réintégrée à l’actif successoral de Madame
Germaine GRANDVILLIERS ;
En tout état de cause,
– ORDONNER l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la
succession de Madame Germaine GRANDVILLIERS ;
RENVOYER vers tel notaire que le Tribunal entendra désigner pour dresser l’acte
de partage ;
– CONDAMNER solidairement Monsieur Ludovic BOUCHER et Madame
Christiane ROBIN à payer à Monsieur Hervé BOUCHER la somme de 10.000 € en
réparation du préjudice moral subi ;
– CONDAMNER solidairement Monsieur Ludovic BOUCHER et Madame
Christiane ROBIN à payer à Monsieur Hervé BOUCHER la somme de 5.000 € au
titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
Il soutient que Monsieur Ludovic BOUCHER a occupé l’appartement de Paris du 10
décembre 2010 au 1
er
septembre 2020, sans s’acquitter du moindre loyer, le bail et les
quittances de loyers produits étant des faux, l’écriture et la signature qui y figurent n’étant
manifestement pas celles de la défunte, qu’il est ainsi redevable à l’égard de la succession
de la somme de 97.440 €, sur la base d’un loyer mensuel à hauteur de 840 €, et s’est rendu
coupable de recel successoral. Il sollicite par ailleurs la nullité de la donation consentie par
Madame Germaine GRANDVILLIERS à Monsieur Michel BOUCHER, le consentement
de la défunte ayant été vicié par les pressions et le harcèlement de Monsieur Michel
BOUCHER à son égard. Il sollicite enfin l’indemnisation de son préjudice causé par les
agissements frauduleux de Monsieur Ludovic BOUCHER et par le comportement des deux
demandeurs qui dégradent les relations familiales.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 5 décembre 2024 et mise en délibéré
au 29 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire :
Aux termes de l’article 4 du Code de procédure civile « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». En outre, aux termes de l’article 768 du Code de procédure civile « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».
Sur la demande d’irrecevabilité de la fin de non-recevoir tirée de la prescription Monsieur Hervé BOUCHER soutient que la demande de Monsieur Ludovic BOUCHER et Madame Christine ROBIN veuve BOUCHER tirée de la prescription est irrecevable pour ne pas avoir été soulevée devant le Juge de la mise en état, en application des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile. Or il ressort des conclusions des demandeurs qu’ils ne soulèvent pas une prescription, mais évoquent notamment les dispositions de l’article 815-10 du Code civil pour contester, au fond, le montant des sommes réclamées au titre d’indemnités d’occupation. Aucune fin de non-recevoir n’étant soulevée par les demandeurs, il n’y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur Hervé BOUCHER
Sur la demande en partage judiciaire
Il résulte des dispositions de l’article 815 du code civil que nul ne peut être contraint à
demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait
été sursis par jugement ou convention.
L’article 840 du code civil précise en outre que le partage est fait en justice lorsque l’un des
indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la
manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé
ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.
En l’espèce, la compétence du Tribunal judiciaire de Fontainebleau et la recevabilité de la
demande ne sont pas contestées.
Il est par ailleurs constant que les parties ne sont pas parvenues à un partage amiable des
droits indivis, et ce quels que soient les motifs de cet échec, ces dernières ne parvenant
manifestement pas à s’accorder.
En conséquence, il convient d’ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation
et partage de la succession de Madame Germaine GRANDVILLIERS suivant les modalités
précisées au dispositif ci-après, et de désigner, pour y procéder, Maître Béatrice
RESNEAU-LAMBERT, Notaire à PITHIVIERS, conformément à la demande des
demandeurs, à laquelle les défendeurs ne s’opposent pas.
Sur la demande au titre des indemnités d’occupation
L’article 262 du code de procédure civile dispose que « le juge peut commettre toute
personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par
une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ».
L’article 146 du code de procédure civile prévoit encore que :
« Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue
ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence
de la partie dans l’administration de la preuve ».
Monsieur Hervé BOUCHER soutient que Monsieur Ludovic BOUCHER aurait occupé un
appartement sis à Paris, qui appartenait à Madame Germaine GRANDVILLIERS, du 10
décembre 2010 au 1er
septembre 2020, sans avoir réglé le moindre loyer.
Monsieur Ludovic BOUCHER conteste l’occupation du bien sur une telle période, et
justifie de ce que l’appartement en question a été loué à Monsieur Kevin MARCHAL
jusqu’au 1er avril 2019, en produisant un contrat de bail en date du 21 décembre 2013, des
quittances de loyer de janvier 2014, août 2015, septembre 2018 et mars 2019, ainsi qu’un
courrier de « résiliation de bail – préavis » remis par Monsieur Kévin MARCHAL à
Madame Germaine GRANDVILLIERS, et daté du 29 décembre 2018, l’informant de ce
qu’il libérerait l’appartement à compter du 31 mars 2019 et remettrait les clés à Monsieur
Ludovic BOUCHER, « comme prévu ».
Il produit par ailleurs des avis d’impôts sur le revenu, une facture SOSH, des courriers de
la CPAM et une facture Free, datés de 2014 et 2015, au nom de Monsieur Kévin
MARCHAL avec l’adresse du 52 rue de Fécamp 75012 PARIS.
Il verse également au débat les avis de taxe d’habitation de 2014 et de 2016 à 2019 adressés
à « M. BOUCHER Ludovic ou M. MARCHAL Kévin » mentionnant un lieu d’imposition
au 52 rue de Fécamp, ainsi qu’une copie écran de l’espace particulier de Monsieur Kévin
MARCHAL du site impots.gouv.fr mentionnant le règlement de la somme de 225 € au titre
de la taxe d’habitation 2019.
Monsieur Ludovic BOUCHER reconnaît avoir occupé l’appartement du 1er
avril 2019 au
30 août 2020, soit pendant 17 mois, et être redevable des indemnités d’occupation
correspondantes.
Monsieur Hervé BOUCHER soutient que le bail et certaines quittances de loyer produits
par les demandeurs seraient des faux, en raison de l’écriture et de la signature qui ne
seraient pas celles de Madame Germaine GRANDVILLIERS.
Si l’écriture figurant sur ces documents paraît en effet distincte de celle des courriers
émanant de Madame Germaine GRANDVILLIERS, versés au débat, la différence n’est en
revanche pas flagrante s’agissant des signatures.
Le certificat médical circonstancié établi par le Dr AL KAHEF le 25 septembre 2018 fait
état d’une altération des facultés mentales de Madame Germaine GRANDVILLIERS,
notamment en ce qui concerne l’écriture (score de 0/1).
Il apparaît ainsi que la circonstance que l’écriture figurant sur le bail et certaines quittances
de loyer puisse ne pas être celle de Madame Germaine GRANDVILLIERS ne suffit pas à
considérer que ces documents sont des faux, rien n’interdisant que certaines mentions
manuscrites aient pu être portées par un tiers aidant, ainsi que le certificat médical du 25
septembre 2018 semble en relever la nécessité.
Par ailleurs, la reproduction des différentes signatures, qui peuvent être altérées et
modifiées au fil du temps, ne suffit pas à établir la réalité de leur fausseté, ni même à
justifier qu’une expertise soit ordonnée, étant rappelé qu’une telle mesure d’instruction ne
saurait avoir pour objet de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la
preuve.
Ainsi, le bail et les quittances de loyer produits en demande, corroborés par les factures et
avis d’imposition, permettent d’apporterla preuve que l’appartement de Madame Germaine
GRANDVILLIERS était loué par Monsieur Kévin MARCHAL du 1
er
janvier 2014 au 31
mars 2019, Monsieur Hervé BOUCHER échouant quant à lui à démontrer que cet
appartement aurait en réalité été occupé à titre gracieux par Monsieur Ludovic BOUCHER
sur cette période.
Il convient en conséquence de retenir une période d’avril 2019 à août 2020 pour la fixation
des indemnités d’occupation dues par Monsieur Ludovic BOUCHER à l’indivision.
Des attestations de valeur locatives sont produites par les demandeurs, à hauteur de 330 €
en novembre 2014, 370 € en septembre 2016 et 388 € en octobre 2018, et Monsieur Hervé
BOUCHER produit une attestation de valeur à hauteur de 840 € en date de septembre 2019.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de fixer le montant des indemnités d’occupation à la
somme moyenne de 400 € par mois sur la période d’avril 2019 à août 2020.
En conséquence, le montant des indemnités d’occupation dû par Monsieur Ludovic
BOUCHER à l’égard de l’indivision pour l’occupation de l’appartement de Madame
Germaine GRANDVILLIERS sis 52 rue de Fécamp à Paris d’avril 2019 à août 2020
s’élève à la somme totale de 6.800 €.
Sur la demande au titre du recel successoral
L’article 778 du Code civil dispose que :
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits
d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et
simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de
l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou
recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux
de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le
rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens
recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
Le recel de succession, qui consiste à dissimuler un bien ou un droit faisant partie d’une
succession, suppose un élément moral, à savoir l’intention frauduleuse d’avoir voulu
s’assurer un avantage à l’encontre des cohéritiers, qui ne peut résulter de la seule
dissimulation.
En l’espèce, si Monsieur Ludovic BOUCHER reconnaît avoir occupé l’appartement
litigieux pendant 17 mois, il n’est pas établi qu’il ait cherché à dissimuler cette occupation
aux cohéritiers, dans la mesure où il en est fait mention dans le projet de liquidation et
partage établi par le notaire le 18 juin 2022, ainsi que dans des échanges de mails en 2021,
et encore moins qu’il l’ait fait avec l’intention frauduleuse de s’assurer un avantage au
détriment des autres.
En conséquence, la demande au titre du recel successoral sera rejetée.
Sur la demande de nullité de la donation consentie à Monsieur Michel BOUCHER
En application de l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de
prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Monsieur Hervé BOUCHER sollicite la nullité de la donation consentie par Madame
Germaine GRANDVILLIERS à Monsieur Michel BOUCHER portant sur la maison
d’habitation de Yèvre-la-Ville.
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Il produit le projet de liquidation et partage établi par le notaire le 18 juin 2022, qui fait
mention d’une «donation préciputaire »s’imputant exclusivement sur la quotité disponible
à hauteur de 100.000 €, ainsi qu’un courrier daté du 16 mai 2018, portant l’en-tête « Lucile
DUMAIRE, Notaire », mais non signé, adressé au Procureur de la République pour signaler
certaines inquiétudes à l’égard de Madame Germaine GRANDVILLIERS, évoquant
notamment un projet de donation en 2014 qui aurait été modifié sous la pression de son fils,
Michel BOUCHER, et qui aurait finalement été signé chez une consœur du Loiret.
Or cette donation, dont la date n’est pas précisée, n’est pas versée au débat, de sorte qu’en
l’absence d’éléments sur son contenu et ses modalités, il ne saurait être apprécié un
quelconque vice du consentement qui affecterait sa validité.
Monsieur Hervé BOUCHER ne pourra dès lors qu’être débouté de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
– Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée
aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction
à la charge d’une autre partie.
Conformément à la demande des demandeurs, il y a lieu de dire que les dépens seront
employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage.
– Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge
condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme
qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte
de l’équité et peut, même d’office, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En équité, il y a lieu d’accorder à Monsieur Ludovic BOUCHER et Madame Christine
ROBIN veuve BOUCHER une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de
procédure civile et de condamner en conséquence Monsieur Hervé BOUCHER au paiement
de cette somme.
– Sur l’exécution provisoire
En vertu de l’article 514 du Code de procédure civile, applicable à l’espèce, les décisions
de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la
décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire et en
premier ressort,
REJETTE la demande d’irrecevabilité formulée par Monsieur Hervé BOUCHER ;
ORDONNE l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions
de Madame Germaine GRANDVILLIERS, née le 23 juillet 1923 à Paris 4°, et décédée le
5 août 2019 à Yèvre-la-Ville ;
COMMET Maître Béatrice RESNEAU-LAMBERT, Notaire à PITHIVIERS, 4 place
Denis Poisson, pour y procéder ;
DIT que le notaire désigné devra procéder aux opérations sus-visées en déterminant les
droits des parties, les biens meubles ou immeubles composant la masse à partager et réaliser
un projet de partage ;
RENVOIE dès à présent les parties devant le notaire désigné ;
COMMET Madame Emmanuelle PERIER, vice-présidente, juge commis ;
RAPPELLE que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à
l’accomplissement de sa mission ;
DIT que le notaire commis recueillera tous éléments propres à établir les comptes de
l’indivision, ainsi que la valeur des biens la composant ;
RAPPELLE que le notaire commis pourra, si la valeur ou la consistance des biens le
justifie, s’adjoindre un expert, choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut,
désigné par le juge commis ;
DIT qu’en cas d’empêchement des juges, notaires ou experts désignés ou choisis, il sera
procédé à leur remplacement par simple ordonnance sur requête ;
RAPPELLE que le notaire commis devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai
d’un an à compter de sa désignation, conformément à l’article 1368 du code de procédure
civile, sauf prorogation ;
DIT qu’en cas d’accord des parties, le notaire rédigera un acte de partage amiable et en
informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure ;
DIT qu’en cas de désaccord entre les parties sur son projet d’état liquidatif, le notaire
transmettra au juge commis un procès-verbal de difficultés où il consignera son projet
d’état liquidatif et les contestations précises émises point par point par les parties ;
RAPPELLE que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies
judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable ;
FIXE à la somme de 6.800 € le montant total des indemnités d’occupation dont Monsieur
Ludovic BOUCHER est redevable envers l’indivision successorale pour l’occupation du
bien immobilier situé au 52 rue Fécamp à 75012 PARIS du 1er avril 2019 au 31 août 2020 ;
REJETTE les demandes plus amples et contraires ;
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage ;
CONDAMNE Monsieur Hervé BOUCHER à payer à Monsieur Ludovic BOUCHER et
Madame Christine ROBIN veuve BOUCHER la somme de 2.000 € au titre de l’article 700
du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état en état du 4 septembre 2025 pour suivi
des opérations de partage.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par Caroline GEAY, Vice-présidente et
Christine ROCHEFORT, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT