Erreur professionnelle du notaire : Comment engager sa responsabilité civile ?
Incohérences dans les actes notariés : un signal d’alerte
Parfois, en lisant un dossier contenant des actes authentiques, il peut apparaître des éléments incohérents. Quelque chose ne colle pas ; d’instinct, on peut le ressentir ! En creusant davantage, en consultant d’autres documents et en posant des questions, il devient parfois évident que des erreurs ont été commises, souvent délibérément. Le notaire, ce professionnel du droit, peut faire preuve de créativité dans certains cas, ce qui peut causer des préjudices pour ses clients.
Certains clients découvrent des erreurs des mois, voire des années après la signature des actes. Des faits nouveaux peuvent faire resurgir du passé des erreurs : phrases incorrectes, signatures douteuses, ou des procurations permettant à un clerc de notaire de signer à la place du client à son insu. Cette procuration abusive peut aboutir à la signature d’un acte lésionnaire, au détriment du client.
Que faire en cas de faute du notaire ?
La possibilité d’engager la responsabilité d’un notaire repose sur l’article 1240 du Code civil (anciennement l’article 1382), qui permet au client lésé de poursuivre le notaire fautif. Selon cet article : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
La responsabilité délictuelle du notaire
La responsabilité du notaire, sous l’angle du droit civil, est généralement délictuelle. En tant qu’officier public, le notaire est responsable des préjudices qui résultent de défaillances dans l’exercice de ses fonctions, notamment lors de l’authentification d’un acte.
La Cour de cassation précise que les obligations du notaire, lorsqu’elles visent uniquement à assurer l’efficacité d’un acte instrumenté par lui, relèvent de sa responsabilité délictuelle. Cependant, la plupart des poursuites reposent sur des manquements au devoir de conseil.
Le devoir de conseil du notaire : un engagement absolu
Le notaire est tenu d’assurer la validité et l’efficacité de l’acte qu’il instrumente. La simple preuve d’une faute ne suffit pas : le client victime doit également démontrer un préjudice réparable et un lien causal avec le manquement du notaire.
Par exemple, l’omission d’un bien dans un acte de partage peut nécessiter une attestation rectificative. Plus grave, une évaluation volontairement erronée peut permettre à un autre copartageant de recevoir plus que sa part en obtenant une compensation financière ou un bien sous-évalué.
Exemples de fautes notariales
Il existe des situations spécifiques dans lesquelles la faute d’un notaire peut être engagée, notamment :
La vente d’un immeuble en viager sans aléa : Dans certains cas, acheteur et vendeur savent que le vendeur va décéder rapidement, ce qui annule l’aléa du viager. Cette vente peut être annulée, et le notaire peut être assigné pour responsabilité.
La prescription de l’action en responsabilité : Selon l’article 2224 du Code civil, une prescription quinquennale s’applique aux actions personnelles. Pour les actions engagées après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 en raison d’un dommage antérieur, la prescription totale ne peut dépasser 10 ans à partir de la manifestation du dommage (Cass. 1re civ., 3 nov. 2021). Le point de départ est fixé au jour où le titulaire d’un droit connaît ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, bien que cette appréciation reste parfois subjective.
La jurisprudence sur la responsabilité notariale
Le point de départ de l’action en responsabilité contre un notaire pour un acte de vente immobilier n’est pas la date de l’assignation délivrée, mais la date de la décision constatant l’indivision du bien concerné. Ainsi, le préjudice subi par l’acquéreur est établi lors de cette décision définitive (Cass. 1re civ., 9 mars 2022, n° 20-15.012).
La faute du notaire est appréciée de manière in abstracto : elle est comparée à celle qu’aurait commise un officier public normalement prudent, diligent et compétent.
Caractère absolu du devoir de conseil
Le notaire doit garantir la validité des actes qu’il authentifie et dispenser des conseils adaptés pour en éviter la nullité. Cette obligation est impérative et absolue, indépendamment de la compétence du client. Depuis un arrêt du 25 janvier 1997, la jurisprudence a précisé que la charge de la preuve du conseil incombe au notaire (Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, n° 94-19.685).
Conclusion : le recours en cas de préjudice
Les clients peuvent obtenir réparation en cas de préjudice causé par une faute notariale, dans un délai de cinq ans à compter de la prise de connaissance des faits. Grâce à la jurisprudence et aux règles strictes en matière de devoir de conseil, il est possible d’agir contre un notaire pour obtenir une indemnisation.