Une forme particulière de recel : OMISSION VOLONTAIRE D’héritier
Monsieur Jacques André est décédé depuis plus d’un an. Avec sa tendre épouse Hélène , il a eu trois enfants : Bernadette, Charlotte, et Louis. Les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens depuis près de trente ans. Le notaire de famille a réglé la succession de la manière la plus traditionnelle. Après avoir interrogé le fichier central des dispositions des dernières volontés, il a pu établir son acte de notoriété, conformément à la réponse de cet organisme (pas de testament enregistré au fichier central), et au livret de famille transmis par la veuve.
L’acte de notoriété précise alors que le défunt laisse pour recueillir sa succession ses trois enfants, héritiers chacun pour un tiers sous l’usufruit de leur mère.
La déclaration de succession est déposée et le partage de la nue-propriété entre les enfants rapidement établi dans cette famille apparemment unie.
Quelques mois plus tard, je fais la rencontre d’une cliente prénommée Zoée, qui vit à l’étranger. Elle m’annonce être la fille cachée de Monsieur André, et avoir été récemment informée du décès de son père par une amie et collègue de travail exerçant pour la filiale française de sa même société. Elle me transmet la copie authentique de l’acte de reconnaissance, me précisant que son père l’avait abandonnée dès qu’il avait appris la grossesse de sa maîtresse.
A l’en croire, Hélène ne pouvait ignorer son existence, car des villageois étaient au courant de cette relation « cachée », et du motif du brusque départ de sa mère enceinte. De violentes disputes avaient éclaté entre les époux . Des témoins toujours en vie pouvaient en attester. En outre et surtout, Hélène avait remis une lettre de menace à la maîtresse de son mari : elle l’invitait au plus vite à cesser toute relation avec son époux, sans quoi elle avertirait ses parents de sa grossesse. « Le déshonneur rejaillirait sur toute votre famille ! », avait-elle ajouté. Les conséquences patrimoniales de l’existence d’un quatrième héritier
Après avoir obtenu toutes les confirmations nécessaires des dires de Zoée, il faudra alors rectifier les actes notariés. Les trois enfants ne sont plus héritiers chacun pour un tiers et le conjoint survivant ne peut plus, conformément aux dispositions de l’article 757 du code civil, opter pour l’usufruit de la totalité des droits existants. La raison : nous sommes en présence d’une enfant qui n’est pas issue des deux époux. Dans ce cas de figure, il faudra établir une notoriété rectificative, une déclaration de succession complémentaire…
Mais c’est surtout le sort du partage signé entre la mère et ses trois enfants qui pose problème. En effet, l’omission d’un héritier devient un cas d’annulation du partage !
La veuve a volontairement dissimulé l’existence de cet enfant , issu d’un adultère. Aucun doute, votre avocat ayant effectué toutes les démarches nécessaires pour le vérifier.
Hélène s’est bien rendue coupable de recel et à ce titre, elle doit verser des dommages et intérêts à Zoée.
En outre, conformément aux dispositions de l’article 778 du Code Civil, Hélène « doit etre tenue de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession».
L’application du recel en cas d’omission intentionnelle d’un héritier est notamment issue d’une jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 20 septembre 2006.